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Il paraîtra très paradoxal d'accorder une grande importance à l'observation
dans cette partie des sciences mathématiques qu'on appelle généralement
les mathématiques pures, puisqu'on estime couramment que l'observation
concerne seulement les objets qui impressionnent les sens. Puisque nous
devons rattacher les nombres à l'intellect pur, nous avons peine à
comprendre comment des observations et des quasi-expériences peuvent
être de quelque utilité dans l'étude de leur nature. Et pourtant, en fait,
comme je le montrerai ici par des arguments très sûrs, les propriétés des
nombres, connues aujourd'hui, ont été découvertes principalement par
l'observation et elles l'ont été bien longtemps avant d'être confirmées par
des démonstrations rigoureuses. Nombreuses sont même les propriétés des
nombres qui nous sont familières mais que nous ne sommes pas encore
capables de prouver; seule l'observation nous a conduit à les connaître.
Ainsi voyons-nous que dans la théorie des nombres, théorie encore très
imparfaite, nous pouvons fonder sur l'observation les espoirs les plus grands;
elle nous conduira à de nouvelles propriétés que nous entreprendrons de
prouver par la suite. Cette sorte de connaissance qui s'appuie seulement sur
l'observation et dont la validité n'est pas encore confirmée, doit être
soigneusement distinguée de la vérité; on dit habituellement qu'on l'atteint
par induction. Néanmoins nous avons rencontré des cas où la simple
induction conduisait à l'erreur. Aussi devons nous avoir grand soin de ne pas
accepter comme vraies des propriétés des nombres que nous avons
découvertes par observation et qui s'appuient sur l'induction seule. Nous
devons voir là l'occasion d'étudier de façon plus précise les propriétés
découvertes, de les prouver ou de les réfuter; dans les deux cas nous
apprendrons certainement quelque chose d'utile.
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1Euler, Opera Omnia, 1ère série, vol. 2, p. 459, Specimen de usu observationum in mathesi pura.
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